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lundi 25 octobre 2010

Lecture photographique de l’alchimie du verbe Ou « l’Errance africaine de Rimbaud » par Corinne Defer

Lecture photographique de l’alchimie du verbe
Ou « l’Errance africaine de Rimbaud »
par Corinne Defer

(d’après le livre de Joseph Giudicianni)
Rimbaud, l’homme qui parlait au silence

Expurger les peines, les joies, mais aussi l'étrangeté d’une période de sa vie.
L’adolescent avait œuvré à déstructurer une vie où atteignant son paroxysme, son orgueil l’avait conduit sur des chemins hasardeux. Rimbaud n’avait, ce faisant, bâti aucun présent, ni édifié un avenir.
Son existence entre deux dimensions contradictoires, le conduit, après l’abandon de la poésie, d’abord en Europe, puis à errer en Afrique, à la recherche de lui-même.
« S’extasier au soleil dans l’infinité de ses rayons, se retrouver au plus profond de lui-même ».
Rimbaud en Afrique devient l’homme qui enfin accepte son destin. Il devra s’accomplir dans l’éloignement de la civilisation urbaine.
L’espace-temps œuvrait ; et Rimbaud ne pouvait se consacrer qu’à cette longue méditation, représentant les tableaux de sa vie errante, dont il scrutait l’horizon de sa finalité. Et plus encore, celui de sa fin. Cette fin inscrite dans la pierre, le sable ou l’immensité des déserts parcourus par des pas s’incrustants dans l’inéluctable dénouement. Rimbaud aveuglé par l’astre qu’il vénérait, s’élance à la poursuite d’un soleil obsédant, absorbé lui-même par des rayons d’éphémère incandescence.
Les départs de Rimbaud sont autant de plaies ouvertes qui saignent et qu’il tente de colmater par la fuite avant, par des marches obsessionnelles. Rimbaud se cherche dans cet ailleurs. La quête est étonnante, essoufflant, usante. Ce sera son existence même qu’il abimera sans remords. Seules quelques plaintes adressées aux siens, lui rappelleront sa condition de marcheur de l’extrême et hélas, de l’inutile !
Rimbaud cherchait le soleil, il va trouver le feu. Sur les sentiers qu’il parcourt, les pierres éclatent sous 50 degrés. Les brûlures mettent sa peau à nu. Le drame s’intensifie ; la machine à marcher s’use et n’est pas loin d’être englouti. Il ne cède pas à la panique, même lorsqu’au départ d’Afrique, il sait qu’on va l’amputer à Marseille.
Rimbaud n’est pas bientôt amputé qu’il veut repartir ; Le souffle lui manquera…
Le poète s’imposait pourtant d’aller toujours plus loin, vers l’inconnu, mais jusqu’où ? On pourrait répondre jusqu’où les jambes pourraient le conduire ! Et si Rimbaud dépend de ses membres inférieurs, c’est qu’ils sont rivés dans la terre.
Terrien inconditionnel, Arthur exalte ses perspectives liées à la condition de marcheur de l’impossible ! La marche, c’est poétique ; mieux, c’est sa nouvelle prosodie. Il n’écrit plus, certes, mais Rimbaud est devenu un poète plasticien ; son corps dessine des arabesques à l’horizon des paysages parcourus.
Mais si l’absolu comporte lui aussi une limite, autant que l’ailleurs et l’’aller plus loin, chez Rimbaud cette condition totalitaire de recherche, n’est au fond que l’expression d’un caractère non moins intransigeant.
Rimbaud tranche dans le vif. Il ne s’arrête jamais à des notions de respect, ou à la considération d’autrui. Souvent il ordonne sèchement, lorsqu’il ne demande pas l’impossible. Cette manière très particulière d’exiger des autres n’excluait pas, l’exigence qu’il plaçait vis-à-vis de lui-même.
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Vivre comme Rimbaud vécut de son silence, c’est déjà reconnaitre qu’on peut contempler une étoile, sans en attendre un écho en retour. La luminosité ressemble au silence lorsqu’elle s’estompe à l’aube et que le soleil vient réchauffer ce souvenir.

Corinne Defer

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